Ma vie n’est pas très importante il paraît. Je me réveille le jour, mais je ne vois presque jamais le soleil. Et lorsque la nuit tombe je suis toujours là, mais les autres ne font plus attention à moi, voir on m’oublie jusqu’au lendemain. Pourtant, je ne me cache pas vous savez ? Je suis même essentiel.
D’ailleurs, je me souviens, j’étais le compagnon de Louis il y 11 mois. C’était un mardi si je ne me trompe pas. 5h, le début du travail.. Il se lève, s’habille et vient me retrouver devant chez lui. Nous nous mettons en route. Éric et Paul nous rejoignent au travail, nous ne travaillerons pas ensemble aujourd’hui, mais avec un peu de chance on les retrouvera ce soir. Louis propose même une partie de manille. Je ne joue pas, mais j’aime regarder les autres jouer, de toute façon, même quand je suis là on ne me propose de jouer, et la dernière fois que j’ai touché aux cartes, on m’a mis dehors.
On rentre dans l’ascenseur avec les collègues, et la descente dans la mine commence. Un étage, deux étages, trois étages… Nous avons pris l’habitude de compter ensemble, mais, comme souvent, nous perdons vite le compte, il faut dire que la lumière nous empêche de bien voir. L’ascenseur s’arrête, Éric et Paul partent à droite, nous on nous a demandé d’aller tout droit vers la plus récente des cavités. Même si je n’ai pas le droit de toucher directement les pierres, j’aime participer à leurs extractions. On arrive au bout du chemin, Louis prend la pioche, moi je l’éclaire, cling, cling, cling, on commence l’extraction.
BANG ! Le sol tremble, je me sens tombé. Louis saute pour amortir ma chute. Il m’a sauvé, et c’est là qu’on voit que même si on m’ignore, Louis avait compris mon importance. Tout d’un coup dans la mine, il fait tout noir. Louis me le dit, il faut que l’on trouve au plus vite la sortie… que l’on rejoigne l’ascenseur. Nous courons ensemble jusqu’à la sortie, mais mon compagnon commence à partir dans tous les sens.
À une intersection, nous nous arrêtons, et là ! Je le sens, de l’air. Alors, je tourne la tête, et j’indique à Louis la direction. Il reprend espoir, nous repartons ensemble. Arrivé devant quelque rocher, il l’a sent aussi, l’air. Comme il est plus fort que moi, il commence à déblayer les rochers qui nous séparent de la sortie.
Et là… on m’a oublié. Louis sort par le trou qu’il a fait et me laisse derrière, alors que je n’arrive pas à passer. L’ascenseur remonte sans moi. Je sens l’air peu à peu me manquer. La lumière se réduit. La flamme de la lampe disparaît. Je disparais.
Ce n’est que plusieurs semaines plus tard que je réalise que je suis toujours présent. Mais, je ne suis plus une flamme. Je peux voir ma lampe en dessous de moi. Je me balade dans l’obscurité de la mine, je n’avais jamais vécu ça… l’obscurité. Ce n’est que plusieurs mois plus tard que j’ai revu des humains. Mais j’ai décidé de ne pas les aider, ni de leur faire du mal. Par contre j’aime discuter avec les lumières qui descendent. Parfois, nous dansons même ensemble.